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DEMAIN : LA MONARCHIE
Un projet politique pour la France de demain

20 avril 1825 : Loi sur le sacrilège
Charles X régnait depuis quelques mois quand la loi sur le sacrilège a été votée. De nos jours, cette loi peut paraître étrange. C'est parce que nous vivons dans une république laïque. Mais, pour des catholiques, cette loi a tout son sens. La république ne reconnaît ni le blasphème, ni le sacrilège. Mais, dans une monarchie où le catholicisme est religion d'Etat, ces crimes doivent faire l'objet d'une législation. Sous l'Ancien Régime, le blasphème et le sacrilèges étaient des délits qui ont été abolis en 1791.
Un projet de loi sur les sacrilèges avait été proposé en 1824, sous Louis XVIII : adopté par la Chambre des Pairs, il fut rejeté par la Chambre des Députés. Cette fois, la loi fut adoptée.
Pourquoi cette loi ?
En quatre ans 538 vols de vases sacrés avaient été commis dans des églises. Depuis la révolution de 1789, les Français avaient perdu le respect de la religion. Le gouvernement du Roi Très Chrétien se devait de réagir et de rendre à Dieu sa place dans la vie de ses sujets. Si la religion catholique a une place de choix dans cette loi, les autres religions ne sont pas oubliées pour autant. Le Roi a annoncé sa volonté de voir cette loi votée, lors de son discours du trône à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire (22 décembre 1824).
Depuis les dernières élections législatives (mars 1824), les ultraroyalistes étaient largement majoritaires à la Chambre des Députés (413 sièges contre 17 pour les libéraux) ; le moment était propice pour faire passer une telle loi. Le rapporteur du projet de loi était le ministre de la Justice (au sein du gouvernement Villèle), le comte de Peyronnet. Voici comment il commença sa présentation lors de la séance du 17 mars 1825 à la Chambre des Députés :

Charles X (1757 † 1836), dernier Roi de France légitime (1824-1830)

Pierre-Denis de Peyronnet (1778 † 1854) Ministre de la Justice (1821-1828), Ministre de l'Intérieur (1830-1830)
"Messieurs, nous venons vous soumettre un projet de loi pour la répression des crimes et des délits qui troublent l’exercice de la religion catholique et des autres cultes légalement établis dans le royaume.
Ce projet, Messieurs, est en quelque sorte votre ouvrage, et il était impatiemment attendu comme une expiation nécessaire après tant d’années d’indifférence ou d’impiété. Nous n’entreprendrons pas d’en démontrer l’importance, et nous nous bornerons à analyser rapidement ses dispositions. Vous êtes chrétiens et législateurs, Messieurs, est-il nécessaire de vous dire que la religion est le premier besoin de l’homme et le plus solide appui des empires ?"
Il dit aussi :
Or, Messieurs, l’objet de la loi que nous proposons est d’assurer à la religion de l’État et à chacun des cultes légalement établis dans le royaume une protection complète, efficace, conforme à la nature de leurs dogmes, et, par cela même, conforme aux principes de la Charte constitutionnelle.
Qui était pour, qui était contre ?
Ceux qui étaient favorables à cette loi étaient avant tout les ultras (ultra-royalistes, proches du roi Charles X). Parmi eux, l'abbé Félicité de La Mennais (plus connu sous le nom de Lamennais), Louis de Bonald, Monseigneur Frayssinous, le comte Ferdinand de Bertier de Sauvigny, le comte Portalis et le comte de Breteuil.
Les opposants à cette loi étaient bien sûr les républicains, les protestants (dont Benjamin Constant), les libéraux (dont Louis François Bertin de Veaux et Pierre Paul Royer-Collard), mais aussi certains royalistes, dont Chateaubriand, qui était pourtant un fervent catholique (auteur du Génie du Christianisme) et membre des ultras. La plupart d'entre eux souhaitaient maintenir une distinction entre l'ordre civil et l'ordre religieux. Certains ont même fait valoir un argument fallacieux : on ne peut commettre un sacrilège si on ne croit pas au caractère sacré de quelque chose. Autrement dit, si on ne croit pas à la présence réelle du Christ dans les hosties consacrées, la profanation de celles-ci ne pourrait être un sacrilège.

Joseph de Villèle (1773 † 1854)
Président du Conseil des ministres
(1821-1828)
Le contenu de la loi
La présence réelle est en effet au cœur de cette loi. De quoi s'agit-il ? Les catholiques et les orthodoxes croient que, lors de la consécration qui a lieu pendant la messe, le pain (les hosties) et le vin deviennent le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus Christ. C'est ce qu'on appelle la transsubstantiation. Ce qui porte atteinte au divin ne saurait être jugé comme un vulgaire délit mais doit faire l'objet d'une législation particulière. C'était l'objet de cette loi.
La loi définit ainsi le sacrilège :
"La profanation des vases sacrés (1) et des hosties consacrées constitue le crime de sacrilège." (art.1°).
"Est déclarée profanation toute voie de fait commise volontairement, et par haine ou mépris de la religion, sur les vases sacrés ou sur les hosties consacrées."(art. 2)
Pour éviter toute méprise, la loi précise comment on peut deviner que les hosties sont consacrées :
"Il y a preuve légale de la consécration des hosties, lorsqu'elles sont placées dans le tabernacle ou exposée dans l'ostensoir, et lorsque le prêtre donne la communion ou porte le viatique aux malades. Il y a preuve légale de la consécration du ciboire, de l'ostensoir, de la patène et du calice, employés aux cérémonies de la religion au moment du crime. Il y a également preuve légale de la consécration du ciboire et de l'ostensoir enfermés dans le tabernacle de l'église ou dans celui de la sacristie."(art.3)
Les articles 4 à 6 portent sur les peines encourues en cas de sacrilège (allant jusqu'à la peine de mort).
Les articles 7 à 11 portent sur le vol sacrilège. Les articles 12 à 15 portent sur les délits commis dans les églises ou sur les objets consacrés à la religion.
Les articles 7 à 15 sont aussi "applicables aux crimes et délits commis dans les édifices consacrés aux cultes légalement établis en France" (art.16).
Une loi adoptée, peu appliquée et rapidement abrogée
Le texte de loi fera l'objet de débats dans les deux chambres, et de modifications. Le texte définitif est adopté par la Chambre des Pairs le 18 février 1825, par 127 voix contre 92, puis, le 15 avril 1825, par la Chambre des Députés, par 210 voix contre 95. Elle entre en vigueur le 20 avril 1825.
La loi sur le sacrilège (dont le vrai nom était : Loi pour la répression des Crimes et délits commis dans les Édifices ou sur les Objets consacrés à la Religion catholique ou aux autres Cultes légalement établis en France) ne fut pratiquement pas appliquée. Aucune peine de mort n'a été prononcée. Il y eut un seul condamné aux travaux forcés à perpétuité pour vol sacrilège. En fait, les tribunaux ont prononcé surtout des acquittements dans les affaires relevant de la loi sur le sacrilège.
Charles X fut renversé par la révolution de 1830 et remplacé par son cousin Louis-Philippe d'Orléans. Le nouveau régime n'était pas favorable à cette loi sur le sacrilège et celle-ci fut abrogée le 11 octobre 1830.
Note :
1. les vases sacrés sont les récipients destinés à recevoir le Corps et le Sang du Christ : patène, calice, ciboire, ostensoir et custode
20 mars 1975 : Mort de Jacques II-Henri VI, Duc d'Anjou et de Ségovie
Le 20 mars 1975 décédait le prince Jacques-Henri de Bourbon, duc d'Anjou et de Ségovie. Ce prince franco-espagnol méconnu est pourtant important pour les royalistes légitimistes puisqu'il était le chef de la Maison de Bourbon, Roi de France de jure (de droit), sous le nom de Jacques II puis d'Henri VI. Privé de ses droits dynastiques en Espagne en raison d'un handicap survenu dans son enfance, il est celui qui relance le mouvement légitimiste en France. Il est le grand-père de l'actuel duc d'Anjou (Louis XX).
Don Jaime, Infant d'Espagne
En tant qu'Infant d'Espagne, ce prince était connu sous le nom de Don Jaime. Il est né le 23 juin 1908 au Palais de la Granja, résidence d'été des rois d'Espagne, à San Ildefonso, dans la province de Ségovie. Il était le second fils du roi d'Espagne Alphonse XIII et de la reine Victoire Eugénie de Battenberg.
Souffrant d'une otite doublée d'une mastoïdite, il subit, en 1912, une opération qui ne se déroula pas comme prévu, le rendant sourd-muet. Ce handicap sera par la suite atténué par différents traitements, mais jamais totalement corrigé : il resta sourd mais apprit à lire sur les lèvres et réussit à retrouver l'usage de la parole. Toute sa vie, il eut des difficultés pour s'exprimer à l'oral. Malgré tout, il lui est arrivé de remplacer son frère aîné le prince Alphonse, prince des Asturies, lors de déplacements officiels. Le prince des Asturies avait en effet une mauvaise santé, étant hémophile.

Le roi Alphonse XIII aves ses deux premiers fils Don Alfonso, prince des Asturies (debout) et Don Jaime (sur les genoux du roi)


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ç L'infant Don Jaime

Le trône d'Espagne s'éloigne
Don Jaime partit en exil en 1931, avec la famille royale, son père ayant quitté le pouvoir (sans abdiquer) pour laisser place à la deuxième république espagnole. Le 11 juin 1933, afin de pouvoir contracter une union inégale avec une roturière cubaine, le prince des Asturies renonça à ses droits au trône et prit le titre de comte de Covadonga (celui-ci décèdera en 1938). Le nouvel héritier de la couronne espagnole aurait dû être l'infant Don Jaime mais on le convainquit de renoncer à ses droits ; en effet, un futur roi se devait d'être en pleine possession de ses capacités à s'exprimer, ce qui n'était pas le cas de l'infortuné prince. Il renonça donc à ses droits au trône d'Espagne à Fontainebleau, le 21 juin 1933. C'est donc Don Juan, troisième fils d'Alphonse XIII, qui devint le nouveau prince héritier. Ce prince devint le chef de la Maison royale d'Espagne (Jean III) par l'abdication de son père en sa faveur (15 janvier 1941) et prit par la suite le titre de comte de Barcelone.
Don Jaime reçut de son père le titre de duc de Ségovie à l'occasion de son mariage. En effet le prince épousa à Rome, le 4 mars 1935, Emmanuelle de Dampierre. Celle-ci était la fille de Roger de Dampierre qui appartenait à la fois à la noblesse française (vicomte de Dampierre, en Picardie) et à la noblesse vaticane (il était Duc de San Lorenzo). Sa mère, Vittoria Ruspoli, était une princesse romaine. Le couple eut deux fils, Alphonse (le futur Alphonse II, duc d'Anjou et de Cadix) et Gonzalve (futur duc d'Aquitaine). Mais le couple se sépara en 1939 et divorça (civilement) en 1947. Le duc de Ségovie se remaria civilement à Innsbrück (Autriche), en 1949, avec Charlotte Tiedemann, une chanteuse allemande. Celle-ci fut un grand soutien pour le prince et lui permit d'améliorer sa façon de s'exprimer.
Un nouvel espoir en Espagne ?
Après la guerre civile espagnole (1936-1939), le général Franco est devenu le nouveau chef de l'Etat. Il va faire de l'Espagne un royaume sans roi mais souhaite la restauration de la royauté. Don Jaime dut renouveler sa renonciation à ses droits dynastiques le 23 juillet 1945 par une lettre adressée à son frère le comte de Barcelone. Mais les relations entre Franco et Don Juan s'envenimèrent lorsque ce dernier critiqua le régime du Caudillo, déclarant qu'une monarchie constitutionnelle serait préférable pour l'Espagne.

Mariage du duc et de la duchesse de Ségovie (1935)
Don Jaime en profita pour écrire (6 mars 1954) à Franco qu'il annulait ses renonciations (qui n'avaient pas été ratifiées par les Cortès), ayant bien amélioré son élocution et se sentant prêt à monter sur le trône. Mais le général a choisi Juan Carlos, fils du comte de Barcelone, à qui il conféra le titre de Prince d'Espagne en 1969. Don Jaime, sur demande de son fils Alphonse, reconnut à Juan Carlos sa nouvelle position de futur roi d'Espagne.
Un prince français
Le duc de Ségovie, né prince espagnol, était un membre dynaste de la Maison de Bourbon. Il était un cadet de l'Auguste Maison jusqu'en 1936, où le dernier prince de la branche aînée, Don Alfonso Carlos (le roi Charles XII pour les légitimistes français) décéda sans descendance. Les droits au trône de France passèrent alors au roi Alphonse XIII en exil, qui devint le roi (de droit) Alphonse Ier en France. Don Jaime fit office de Dauphin de France après le décès de son frère aîné le comte de Covadonga (6 septembre 1938). Puis, à la mort de son père (28 février 1941), il devint Chef de la Maison de Bourbon mais n'avait pas vraiment conscience de ses droits au trône de France, se sentant plus prince espagnol que prince français. Ce n'est qu'en février 1946 que le duc de Ségovie écrivit aux cours royales européennes pour affirmer ses droits au trône de France et sa qualité de Chef de la Maison de France. Il prit aussi le titre de Duc d'Anjou (28 mars 1946), titre porté par son ancêtre avant de devenir le roi Philippe V d'Espagne. Il prit d'abord le nom de Jacques II, puis, en 1957, celui d'Henri VI. Le prince a aussi écrit des lettres en juillet 1946, adressées aux Français et aux princes de la Maison de Bourbon. A ces derniers il précise : "(...) ma renonciation au trône d'Espagne n'affecte en rien l'intégralité de mes droits et prérogatives attachés à ma qualité de Chef de la Maison de Bourbon (...)" (31 juillet 1946).
Celui qu'il convient désormais d'appeler le prince Jacques-Henri, duc d'Anjou et de Ségovie, va relancer le légitimisme français tout en affirmant ses droits à la couronne d'Espagne (il fut le dernier prince à revendiquer les deux couronnes). Il disposait d'une Maison civile, d'un Conseil, d'un bulletin, d'associations et d'organes de presse. Il a fait plusieurs déplacements en France à l'occasion de commémorations, d'inaugurations, d'invitations des autorités civiles ou d'associations. Il a même habité un temps en France, notamment à Rueil-Malmaison. Sur le plan politique, il émit une protestation officielle face à la volonté de la république d'abandonner l'Algérie, terre conquise par le roi Charles X : "(...) Le droit , illégalement donné à la population d'une province française, de faire sécession, risque d'arracher l'Algérie à la France. Un roi la lui a donnée fidèle à la tradition de ses ancêtres, leur légataire affirme que le territoire de la Patrie est inaliénable et que nul ne peut s'arroger le droit d'en disposer. (...)" (10 décembre 1959).
La mort du prince
A la fin de sa vie, le prince résidait en Suisse, à Saint-Gall. C'est là qu'il fit une chute, sur le seuil de son domicile, le plongeant dans le coma. Il s'éteignit le 20 mars 1975. Il fut d'abord inhumé au cimetière de Bois de Vaux, près de Lausanne, puis son corps fut transporté en 1985 au monastère de l'Escorial, la nécropole royale espagnole. Son fils aîné, Alphonse, était désormais le nouveau roi de France (de jure) sous le nom d'Alphonse II.

Le Duc d'Anjou et de Ségovie à la fin de sa vie