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DEMAIN : LA MONARCHIE
Un projet politique pour la France de demain

20 avril 1825 : Loi sur le sacrilège
Charles X régnait depuis quelques mois quand la loi sur le sacrilège a été votée. De nos jours, cette loi peut paraître étrange. C'est parce que nous vivons dans une république laïque. Mais, pour des catholiques, cette loi a tout son sens. La république ne reconnaît ni le blasphème, ni le sacrilège. Mais, dans une monarchie où le catholicisme est religion d'Etat, ces crimes doivent faire l'objet d'une législation. Sous l'Ancien Régime, le blasphème et le sacrilèges étaient des délits qui ont été abolis en 1791.
Un projet de loi sur les sacrilèges avait été proposé en 1824, sous Louis XVIII : adopté par la Chambre des Pairs, il fut rejeté par la Chambre des Députés. Cette fois, la loi fut adoptée.
Pourquoi cette loi ?
En quatre ans 538 vols de vases sacrés avaient été commis dans des églises. Depuis la révolution de 1789, les Français avaient perdu le respect de la religion. Le gouvernement du Roi Très Chrétien se devait de réagir et de rendre à Dieu sa place dans la vie de ses sujets. Si la religion catholique a une place de choix dans cette loi, les autres religions ne sont pas oubliées pour autant. Le Roi a annoncé sa volonté de voir cette loi votée, lors de son discours du trône à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire (22 décembre 1824).
Depuis les dernières élections législatives (mars 1824), les ultraroyalistes étaient largement majoritaires à la Chambre des Députés (413 sièges contre 17 pour les libéraux) ; le moment était propice pour faire passer une telle loi. Le rapporteur du projet de loi était le ministre de la Justice (au sein du gouvernement Villèle), le comte de Peyronnet. Voici comment il commença sa présentation lors de la séance du 17 mars 1825 à la Chambre des Députés :

Charles X (1757 † 1836), dernier Roi de France légitime (1824-1830)

Pierre-Denis de Peyronnet (1778 † 1854) Ministre de la Justice (1821-1828), Ministre de l'Intérieur (1830-1830)
"Messieurs, nous venons vous soumettre un projet de loi pour la répression des crimes et des délits qui troublent l’exercice de la religion catholique et des autres cultes légalement établis dans le royaume.
Ce projet, Messieurs, est en quelque sorte votre ouvrage, et il était impatiemment attendu comme une expiation nécessaire après tant d’années d’indifférence ou d’impiété. Nous n’entreprendrons pas d’en démontrer l’importance, et nous nous bornerons à analyser rapidement ses dispositions. Vous êtes chrétiens et législateurs, Messieurs, est-il nécessaire de vous dire que la religion est le premier besoin de l’homme et le plus solide appui des empires ?"
Il dit aussi :
Or, Messieurs, l’objet de la loi que nous proposons est d’assurer à la religion de l’État et à chacun des cultes légalement établis dans le royaume une protection complète, efficace, conforme à la nature de leurs dogmes, et, par cela même, conforme aux principes de la Charte constitutionnelle.
Qui était pour, qui était contre ?
Ceux qui étaient favorables à cette loi étaient avant tout les ultras (ultra-royalistes, proches du roi Charles X). Parmi eux, l'abbé Félicité de La Mennais (plus connu sous le nom de Lamennais), Louis de Bonald, Monseigneur Frayssinous, le comte Ferdinand de Bertier de Sauvigny, le comte Portalis et le comte de Breteuil.
Les opposants à cette loi étaient bien sûr les républicains, les protestants (dont Benjamin Constant), les libéraux (dont Louis François Bertin de Veaux et Pierre Paul Royer-Collard), mais aussi certains royalistes, dont Chateaubriand, qui était pourtant un fervent catholique (auteur du Génie du Christianisme) et membre des ultras. La plupart d'entre eux souhaitaient maintenir une distinction entre l'ordre civil et l'ordre religieux. Certains ont même fait valoir un argument fallacieux : on ne peut commettre un sacrilège si on ne croit pas au caractère sacré de quelque chose. Autrement dit, si on ne croit pas à la présence réelle du Christ dans les hosties consacrées, la profanation de celles-ci ne pourrait être un sacrilège.

Joseph de Villèle (1773 † 1854)
Président du Conseil des ministres
(1821-1828)
Le contenu de la loi
La présence réelle est en effet au cœur de cette loi. De quoi s'agit-il ? Les catholiques et les orthodoxes croient que, lors de la consécration qui a lieu pendant la messe, le pain (les hosties) et le vin deviennent le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus Christ. C'est ce qu'on appelle la transsubstantiation. Ce qui porte atteinte au divin ne saurait être jugé comme un vulgaire délit mais doit faire l'objet d'une législation particulière. C'était l'objet de cette loi.
La loi définit ainsi le sacrilège :
"La profanation des vases sacrés (1) et des hosties consacrées constitue le crime de sacrilège." (art.1°).
"Est déclarée profanation toute voie de fait commise volontairement, et par haine ou mépris de la religion, sur les vases sacrés ou sur les hosties consacrées."(art. 2)
Pour éviter toute méprise, la loi précise comment on peut deviner que les hosties sont consacrées :
"Il y a preuve légale de la consécration des hosties, lorsqu'elles sont placées dans le tabernacle ou exposée dans l'ostensoir, et lorsque le prêtre donne la communion ou porte le viatique aux malades. Il y a preuve légale de la consécration du ciboire, de l'ostensoir, de la patène et du calice, employés aux cérémonies de la religion au moment du crime. Il y a également preuve légale de la consécration du ciboire et de l'ostensoir enfermés dans le tabernacle de l'église ou dans celui de la sacristie."(art.3)
Les articles 4 à 6 portent sur les peines encourues en cas de sacrilège (allant jusqu'à la peine de mort).
Les articles 7 à 11 portent sur le vol sacrilège. Les articles 12 à 15 portent sur les délits commis dans les églises ou sur les objets consacrés à la religion.
Les articles 7 à 15 sont aussi "applicables aux crimes et délits commis dans les édifices consacrés aux cultes légalement établis en France" (art.16).
Une loi adoptée, peu appliquée et rapidement abrogée
Le texte de loi fera l'objet de débats dans les deux chambres, et de modifications. Le texte définitif est adopté par la Chambre des Pairs le 18 février 1825, par 127 voix contre 92, puis, le 15 avril 1825, par la Chambre des Députés, par 210 voix contre 95. Elle entre en vigueur le 20 avril 1825.
La loi sur le sacrilège (dont le vrai nom était : Loi pour la répression des Crimes et délits commis dans les Édifices ou sur les Objets consacrés à la Religion catholique ou aux autres Cultes légalement établis en France) ne fut pratiquement pas appliquée. Aucune peine de mort n'a été prononcée. Il y eut un seul condamné aux travaux forcés à perpétuité pour vol sacrilège. En fait, les tribunaux ont prononcé surtout des acquittements dans les affaires relevant de la loi sur le sacrilège.
Charles X fut renversé par la révolution de 1830 et remplacé par son cousin Louis-Philippe d'Orléans. Le nouveau régime n'était pas favorable à cette loi sur le sacrilège et celle-ci fut abrogée le 11 octobre 1830.
Note :
1. les vases sacrés sont les récipients destinés à recevoir le Corps et le Sang du Christ : patène, calice, ciboire, ostensoir et custode
29 mai 1825 : Le dernier Sacre
Le 29 mai 1825 eut lieu le sacre du roi Charles X, dernier roi de France légitime ayant régné. Ce fut donc le dernier sacre en France. Les deux seuls souverains qui ont suivi, Louis-Philippe, roi des Français, et Napoléon III, empereur des Français, ne se sont pas fait sacrer. Avant le sacre de Charles X, il y eut celui de Napoléon Ier (2 décembre 1804), mais ce n'était pas un roi. Le dernier roi à avoir été sacré avant 1825 fut Louis XVI, le 11 juin 1775. La cathédrale de Reims n'avait donc pas abrité de sacre royal depuis 50 ans.
Un événement politique et religieux
Le commencement du règne de Charles X annonçait un retour du religieux dans les affaires de l'Etat. On l'a vu avec la Loi sur le sacrilège. Le sacre du Roi s'inscrivait logiquement dans ce dessein. Louis XVIII lui-même aurait voulu être sacré, mais son état de santé l'avait contraint à y renoncer. D'ailleurs, le sacre des rois était inscrit dans la Charte de 1814 : "Le roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur sacre, d'observer fidèlement la présente Charte constitutionnelle. "(article 74)​
C'est Monseigneur Jean-Baptiste de Latil, archevêque de Reims depuis juillet 1824, qui eut l'honneur de sacrer le roi Charles X. Deux mois avant l'événement, il fit publier un mandement dont voici un extrait :

La cathédrale Notre-Dame de Reims a été le théâtre de la plupart des sacres de nos rois depuis le XI° siècle

Jean-Baptiste de Latil (1761 † 1839)
Evêque de Chartres (1821-1824), puis archevêque de Reims (1824-1839), Pair de France (1822), Cardinal (1826)
Il refusa de prêter serment à Louis-Philippe et suivit Charles X dans son exil, restant auprès de lui jusqu'à la mort du roi (1836)
"Non quelque brillante, quelque magnifique que puisse être cette cérémonie, si elle n'avait pour but que d'intéresser et d'amuser la curiosité, elle ne serait qu'un vain spectacle que le paganisme pourrait nous offrir ; mais la religion a de plus nobles desseins et elle suggère à ses enfants de plus grandes pensées, des pensées plus dignes d'une âme immortelle ; dans son culte extérieur, elle veut, par la dignité et la pompe des cérémonies, ainsi que par la mélodie et l'harmonie des cantiques, élever nos espoirs et nos cœurs jusqu'à Dieu ; et dans la fête religieuse du sacre de nos Rois, elle veut nous rappeler d'importantes vérités et de bien utiles leçons ; elle veut rappeler aux peuples et apprendre à ceux que de dangereux systèmes auraient égarés, que la puissance vient de Dieu ; que les Rois exercent sur leurs sujets la puissance de Dieu lui-même et qu'ils sont cette seconde Majesté sur laquelle, suivant la belle expression de Bossuet, Dieu, pour le bien des choses humaines, fait jaillir une portion de l'éclat de Sa Majesté divine.
Oui, les Rois doivent être pour des chrétiens l'image du Tout-Puissant dont la Providence gouverne le monde : mais les maîtres de la terre doivent aussi se souvenir qu'ils ont un maître dans le Ciel qui leur a confié sa justice et qu'ils auront à en rendre compte en comparaissant un jour devant le Tribunal du Souverain Juge des Peuples et des Rois.
C'est ce que la religion leur rappelle dans toutes les cérémonies et les prières qui accompagnent leur sacre et couronnement."
Ce mandement ne fait pas qu'annoncer le sacre, il en explique la portée religieuse. Ce n'est pas anodin dans une société où le religieux est passé à l'arrière-plan. Il n'était donc pas inutile de rappeler que le Roi tient son pouvoir de Dieu et qu'il doit s'en montrer digne. Le sacre n'apporte pas l'infaillibilité au Roi mais une énorme responsabilité.

Carrosse du sacre de Charles X. Il a été réutilisé par Napoléon III à l'occasion du baptême de son fils, d'où la présence des symboles impériaux (le"N", les armoiries impériales, aigles) - Musée des carrosses, Versailles

Sur cette peinture représentant le retour de Charles X à Paris après le sacre, on voit l'aspect du carrosse du sacre à l'origine (notamment les fleurs de lys au lieu des aigles)
Un sacre qui fait le lien entre la royauté pluriséculaire et l'époque moderne
Tout comme son frère Louis XVIII, Charles X s'entoure à la fois d'hommes de l'ancienne noblesse et d'hommes ayant servi la république et Napoléon. Ainsi, lors du sacre, on voit des Maréchaux d'Empire porter les insignes du pouvoir royal (épée, sceptre, main de justice et couronne) : Bon-Adrien Jannot de Moncey (1754†1842), duc de Conegliano, qui fit fonction de connétable, Jean-de-Dieu Soult (1769†1851), duc de Dalmatie, Edouard Mortier (1768†1835), duc de Trévise et le comte Jean-Baptiste Jourdan (1762 † 1833). La musique du sacre a été écrite par Luigi Cherubini (1760 †1842), d'origine italienne, naturalisé français, qui a beaucoup composé sous la république et l'Empire ; il était même franc-maçon.
La cérémonie a été simplifiée par rapport au cérémonial en vigueur sous l'Ancien Régime : elle n'a duré que 3h30 au lieu de 6 ou 7h. La volonté était de rester dans la continuité des anciens sacres tout en s'adaptant à l'époque. Le serment sur les Evangiles a été maintenu, mais modifié : on a ajouté le serment de fidélité à la Charte de 1814 et on a supprimé l'extermination (dans le sens de "chasser hors du royaume") des hérésies (pour ne pas blesser les protestants).
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Texte du Serment du Royaume au sacre de Charles X :
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"En présence de Dieu, je promets à mon peuple de maintenir et d'honorer notre sainte religion, comme il appartient au Roi très-chrétien et au fils aîné de l'Eglise ; de rendre bonne justice à tous mes sujets ; enfin de gouverner conformément aux lois du royaume et à la Charte constitutionnelle que je jure d'observer fidèlement : qu'ainsi Dieu me soit en aide et ses saints Evangiles."
Serments prononcés aux sacres précédents
serment prononcé (en latin) par Louis XVI en 1775 :
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"Je promets, au nom de Jésus-Christ, au peuple chrétien qui m'est soumis : de faire conserver, en tous temps, à l'église de Dieu, la paix par le peuple chrétien ; d'empêcher les personnes de tout rang de commettre des rapines et des iniquités de quelque nature qu'elles soient ; de faire observer la justice et la miséricorde dans tous les jugements, afin que Dieu, qui est la source de la clémence et de la miséricorde, daigne les répandre sur moi et sur vous aussi ; de m'appliquer sincèrement, et de tout mon pouvoir, à exterminer, de toutes les terres soumises à ma domination, les hérétiques nommément condamnés par l'Eglise. Je confirme par serment toutes les choses énoncées ci-dessus, qu'ainsi Dieu et ces Saints Evangiles me soient en aide."
serment prononcé par Napoléon I° en 1804 :
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"Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la république, de respecter et de faire respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et de faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique et civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôts, de n'établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la Légion-d'Honneur, de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français."

Le sacre de Charles X, par François Gérard - Musée national du Château de Versailles
Le cérémonial autour de la Sainte Ampoule (entrée solennelle dans la cathédrale et arrivée dans le chœur escortée par les prélats) a été supprimé. Les neuf onctions (dans un premier temps au sommet de la tête, sur l'estomac, entre les deux épaules, à chacune des épaules et aux jointures de chaque bras, puis, dans un deuxième temps, dans les paumes des deux mains), elles, ont été conservées. La Sainte Ampoule, flacon qui contenait le baume ayant servi à tous les sacres, a été détruite par la république, en octobre 1793. Heureusement, on a pu sauver des fragments et une partie du baume qu'elle contenait. Ce baume a été mélangé, quelques jours avant le sacre de Charles X, à du saint chrême pour pouvoir servir pendant la cérémonie, et placé dans une nouvelle ampoule.
Dans l'ancien cérémonial, lors du couronnement, la couronne était tenue par l'archevêque de Reims et soutenue par les cinq autres pairs ecclésiastiques (évêques de Langres, Laon, Noyon, Châlons et Beauvais) et les six personnages (princes et autres) représentant les six pairs laïcs (duc de Bourgogne, duc d'Aquitaine, duc de Normandie, comte de Champagne, comte de Toulouse, comte de Flandre). Au couronnement de Charles X, la couronne était toujours tenue par l'archevêque de Reims, mais n'était soutenue que par trois princes : le Dauphin Louis (fils du Roi), le Duc d'Orléans (Louis-Philippe, futur usurpateur du trône) et le Duc de Bourbon (Louis Henri de Bourbon, Duc de Bourbon et Prince de Condé, père du malheureux Duc d'Enghien fusillé en 1804).
Charles X en habit de sacre, par François Gérard

Le sacre de Charles X à Reims fut un événement fastueux et joyeux, mais il n'eut pas le retentissement escompté dans le royaume : beaucoup, y compris dans les rangs royalistes, émirent des critiques, jugeant cette cérémonie anachronique et se méfiant du retour du religieux dans la politique. C'est pourtant ce qui manque cruellement à notre pays actuellement ; la religion, notre relation à Dieu, ne saurait être anachronique !
20 mars 1975 : Mort de Jacques II-Henri VI, Duc d'Anjou et de Ségovie
Le 20 mars 1975 décédait le prince Jacques-Henri de Bourbon, duc d'Anjou et de Ségovie. Ce prince franco-espagnol méconnu est pourtant important pour les royalistes légitimistes puisqu'il était le chef de la Maison de Bourbon, Roi de France de jure (de droit), sous le nom de Jacques II puis d'Henri VI. Privé de ses droits dynastiques en Espagne en raison d'un handicap survenu dans son enfance, il est celui qui relance le mouvement légitimiste en France. Il est le grand-père de l'actuel duc d'Anjou (Louis XX).
Don Jaime, Infant d'Espagne
En tant qu'Infant d'Espagne, ce prince était connu sous le nom de Don Jaime. Il est né le 23 juin 1908 au Palais de la Granja, résidence d'été des rois d'Espagne, à San Ildefonso, dans la province de Ségovie. Il était le second fils du roi d'Espagne Alphonse XIII et de la reine Victoire Eugénie de Battenberg.
Souffrant d'une otite doublée d'une mastoïdite, il subit, en 1912, une opération qui ne se déroula pas comme prévu, le rendant sourd-muet. Ce handicap sera par la suite atténué par différents traitements, mais jamais totalement corrigé : il resta sourd mais apprit à lire sur les lèvres et réussit à retrouver l'usage de la parole. Toute sa vie, il eut des difficultés pour s'exprimer à l'oral. Malgré tout, il lui est arrivé de remplacer son frère aîné le prince Alphonse, prince des Asturies, lors de déplacements officiels. Le prince des Asturies avait en effet une mauvaise santé, étant hémophile.

Le roi Alphonse XIII aves ses deux premiers fils Don Alfonso, prince des Asturies (debout) et Don Jaime (sur les genoux du roi)


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ç L'infant Don Jaime

Le trône d'Espagne s'éloigne
Don Jaime partit en exil en 1931, avec la famille royale, son père ayant quitté le pouvoir (sans abdiquer) pour laisser place à la deuxième république espagnole. Le 11 juin 1933, afin de pouvoir contracter une union inégale avec une roturière cubaine, le prince des Asturies renonça à ses droits au trône et prit le titre de comte de Covadonga (celui-ci décèdera en 1938). Le nouvel héritier de la couronne espagnole aurait dû être l'infant Don Jaime mais on le convainquit de renoncer à ses droits ; en effet, un futur roi se devait d'être en pleine possession de ses capacités à s'exprimer, ce qui n'était pas le cas de l'infortuné prince. Il renonça donc à ses droits au trône d'Espagne à Fontainebleau, le 21 juin 1933. C'est donc Don Juan, troisième fils d'Alphonse XIII, qui devint le nouveau prince héritier. Ce prince devint le chef de la Maison royale d'Espagne (Jean III) par l'abdication de son père en sa faveur (15 janvier 1941) et prit par la suite le titre de comte de Barcelone.
Don Jaime reçut de son père le titre de duc de Ségovie à l'occasion de son mariage. En effet le prince épousa à Rome, le 4 mars 1935, Emmanuelle de Dampierre. Celle-ci était la fille de Roger de Dampierre qui appartenait à la fois à la noblesse française (vicomte de Dampierre, en Picardie) et à la noblesse vaticane (il était Duc de San Lorenzo). Sa mère, Vittoria Ruspoli, était une princesse romaine. Le couple eut deux fils, Alphonse (le futur Alphonse II, duc d'Anjou et de Cadix) et Gonzalve (futur duc d'Aquitaine). Mais le couple se sépara en 1939 et divorça (civilement) en 1947. Le duc de Ségovie se remaria civilement à Innsbrück (Autriche), en 1949, avec Charlotte Tiedemann, une chanteuse allemande. Celle-ci fut un grand soutien pour le prince et lui permit d'améliorer sa façon de s'exprimer.
Un nouvel espoir en Espagne ?
Après la guerre civile espagnole (1936-1939), le général Franco est devenu le nouveau chef de l'Etat. Il va faire de l'Espagne un royaume sans roi mais souhaite la restauration de la royauté. Don Jaime dut renouveler sa renonciation à ses droits dynastiques le 23 juillet 1945 par une lettre adressée à son frère le comte de Barcelone. Mais les relations entre Franco et Don Juan s'envenimèrent lorsque ce dernier critiqua le régime du Caudillo, déclarant qu'une monarchie constitutionnelle serait préférable pour l'Espagne.

Mariage du duc et de la duchesse de Ségovie (1935)
Don Jaime en profita pour écrire (6 mars 1954) à Franco qu'il annulait ses renonciations (qui n'avaient pas été ratifiées par les Cortès), ayant bien amélioré son élocution et se sentant prêt à monter sur le trône. Mais le général a choisi Juan Carlos, fils du comte de Barcelone, à qui il conféra le titre de Prince d'Espagne en 1969. Don Jaime, sur demande de son fils Alphonse, reconnut à Juan Carlos sa nouvelle position de futur roi d'Espagne.
Un prince français
Le duc de Ségovie, né prince espagnol, était un membre dynaste de la Maison de Bourbon. Il était un cadet de l'Auguste Maison jusqu'en 1936, où le dernier prince de la branche aînée, Don Alfonso Carlos (le roi Charles XII pour les légitimistes français) décéda sans descendance. Les droits au trône de France passèrent alors au roi Alphonse XIII en exil, qui devint le roi (de droit) Alphonse Ier en France. Don Jaime fit office de Dauphin de France après le décès de son frère aîné le comte de Covadonga (6 septembre 1938). Puis, à la mort de son père (28 février 1941), il devint Chef de la Maison de Bourbon mais n'avait pas vraiment conscience de ses droits au trône de France, se sentant plus prince espagnol que prince français. Ce n'est qu'en février 1946 que le duc de Ségovie écrivit aux cours royales européennes pour affirmer ses droits au trône de France et sa qualité de Chef de la Maison de France. Il prit aussi le titre de Duc d'Anjou (28 mars 1946), titre porté par son ancêtre avant de devenir le roi Philippe V d'Espagne. Il prit d'abord le nom de Jacques II, puis, en 1957, celui d'Henri VI. Le prince a aussi écrit des lettres en juillet 1946, adressées aux Français et aux princes de la Maison de Bourbon. A ces derniers il précise : "(...) ma renonciation au trône d'Espagne n'affecte en rien l'intégralité de mes droits et prérogatives attachés à ma qualité de Chef de la Maison de Bourbon (...)" (31 juillet 1946).
Celui qu'il convient désormais d'appeler le prince Jacques-Henri, duc d'Anjou et de Ségovie, va relancer le légitimisme français tout en affirmant ses droits à la couronne d'Espagne (il fut le dernier prince à revendiquer les deux couronnes). Il disposait d'une Maison civile, d'un Conseil, d'un bulletin, d'associations et d'organes de presse. Il a fait plusieurs déplacements en France à l'occasion de commémorations, d'inaugurations, d'invitations des autorités civiles ou d'associations. Il a même habité un temps en France, notamment à Rueil-Malmaison. Sur le plan politique, il émit une protestation officielle face à la volonté de la république d'abandonner l'Algérie, terre conquise par le roi Charles X : "(...) Le droit , illégalement donné à la population d'une province française, de faire sécession, risque d'arracher l'Algérie à la France. Un roi la lui a donnée fidèle à la tradition de ses ancêtres, leur légataire affirme que le territoire de la Patrie est inaliénable et que nul ne peut s'arroger le droit d'en disposer. (...)" (10 décembre 1959).
La mort du prince
A la fin de sa vie, le prince résidait en Suisse, à Saint-Gall. C'est là qu'il fit une chute, sur le seuil de son domicile, le plongeant dans le coma. Il s'éteignit le 20 mars 1975. Il fut d'abord inhumé au cimetière de Bois de Vaux, près de Lausanne, puis son corps fut transporté en 1985 au monastère de l'Escorial, la nécropole royale espagnole. Son fils aîné, Alphonse, était désormais le nouveau roi de France (de jure) sous le nom d'Alphonse II.

Le Duc d'Anjou et de Ségovie à la fin de sa vie