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Points d'Histoire 2024
10 mai 1774 : Mort de Louis XV
Louis XV meurt de la petite vérole (la variole) dans l'après-midi du 10 mai 1774, à Versailles. La maladie s'était déclarée fin avril et le roi souffrit sans que ses médecins pussent le soulager. Son petit-fils et successeur, Louis XVI, aurait prononcé ces paroles : "Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! ".
Orphelin à deux ans
Quand il naît le 15 février 1710 au château de Versailles, le futur Louis XV, titré duc d'Anjou, est le fils de Louis de France, duc de Bourgogne, et de Marie Adélaïde de Savoie, et le frère de Louis, duc de Bretagne. Son grand-père le Grand Dauphin (fils de Louis XIV) décède en 1711. Ainsi, son père devient Dauphin de France mais meurt l'année suivante, précédé de peu par son épouse. Le jeune duc de Bretagne devient dauphin à son tour mais décède le 8 mars 1712, âgé de cinq ans. C'est ainsi que le petit duc d'Anjou devient Dauphin de France à l'âge de deux ans. Il n'a que cinq ans quand il succède à son arrière-grand-père Louis XIV, le 1° septembre 1715.
Heureusement, le jeune Louis XV a échappé à cette série de morts, ce qui a épargné à la France une probable guerre de succession. Son héritier, en effet, était son oncle le roi d'Espagne Philippe V, mais ses droits à la couronne auraient été contestés du fait de sa renonciation à ses droits au trône de France faite au Traité d'Utrecht (1713). Les compétiteurs du roi d'Espagne auraient été le duc d'Orléans et les enfants adultérins légitimés de Louis XIV : le duc du Maine et le comte de Toulouse.
Un règne de 58 ans
Nous ne pouvons pas résumer ici un règne si long (58 ans, le deuxième plus long règne de l'Histoire de France), mais évoquons simplement quelques jalons.
périodes du règne
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1715-1723 Régence et gouvernement de Philippe d'Orléans
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1723-1726 Gouvernement du Duc de Bourbon
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1726-1743 Gouvernement du Cardinal de Fleury
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1743-1774 Gouvernement personnel du Roi
guerres
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1718-1720 Guerre de la Quadruple-Alliance, entre l'Espagne et la Quadruple-Alliance (France, Saint-Empire, Grande-Bretagne, Provinces-Unies)
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1733-1738 Guerre de Succession de Pologne (France, Espagne et Sardaigne contre Russie, Autriche et Saxe)
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1740-1748 Guerre de Succession d'Autriche (France, Prusse, Espagne, Deux-Siciles, Suède et Gênes contre Autriche, Russie, Grande-Bretagne, Provinces-Unies, Sardaigne et Electorat de Hanovre, + deux états ayant changé de camp en cours de guerre : Saxe et Bavière)
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1756-1763 Guerre de Sept Ans (France, Saint-Empire, Russie, Suède, Espagne, Saxe, Pologne-Lituanie, Deux-Siciles et Wurtemberg contre Grande-Bretagne, Prusse, Portugal, Hesse-Cassel et Electorat de Hanovre)
pertes territoriales et agrandissements
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La France cède en 1762 (Traité de Fontainebleau) à son allié espagnol la partie de la Louisiane située à l'ouest du fleuve Mississipi. L'autre partie de la Louisiane est perdue par la France, en même temps que les territoires canadiens (l'ensemble constituant la Nouvelle-France), en 1763 (Traité de Paris) au profit de la Grande-Bretagne, à l'issue de la Guerre de Sept Ans. La France perd aussi des territoires en Inde.
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En 1766, à la mort de Stanislas Leszczynski, les duchés de Lorraine et de Bar sont réunis à la France (conséquence du Traité de Vienne de 1738 qui avait confié à titre viager ces duchés à Stanislas, en dédommagement de la perte de sa couronne polono-lituanienne)
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En 1768, la République de Gênes cède la Corse à la France, à charge pour la France de conquérir cette île qui s'est constituée en république indépendante. La France s'empare définitivement de la Corse en 1769.
Postérité
Louis XV a épousé en 1725, à Fontainebleau, Maria Leszczynska, fille unique de Stanislas Leszczynsli, ex-roi de Pologne et grand-duc de Lituanie (1704-1709). Le couple eut 10 enfants dont 3 moururent enfants (un garçon et deux filles). Un seul fils parvint à l'âge adulte : Louis, Dauphin de France (1729†1765), qui sera le père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Une seule fille de Louis XV se maria : l'aînée, Elisabeth de France (1727†1759), qui épousa Philippe d'Espagne, duc de Parme. La dernière fille du roi, la vénérable Louise de France, prit le voile. Les autres filles de Louis XV demeurèrent à la Cour.
Le roi eut de nombreuses relations extra-conjugales et sans doute de nombreux enfants illégitimes. Cependant, il n'en a reconnu qu'un : Louis-Aimé de Bourbon (1762†1787), prêtre. Parmi toutes les maîtresses de Louis XV, une seule a eu une réelle influence politique : Jeanne-Antoinette Poisson, Marquise de Pompadour (1721†1764).
Le Bien-Aimé ou le Mal-Aimé ?
Le surnom de Louis XV que l'Histoire a retenu est "le Bien-Aimé". Bien-aimé, il le fut au début de son règne. Mais le Traité d'Aix-la-Chapelle, qui clôt la Guerre de Succession d'Autriche en 1748, laisse un goût amer aux Français. Si, officiellement, la France fait partie des puissances victorieuses, c'est en fait le Roi de Prusse qui y a gagné vraiment (acquisition du duché de Silésie et du comté de Glatz). En effet le plénipotentiaire pour la France, le comte de Saint-Séverin, avait déclaré, lors des négociations du Traité : "Sa Majesté très-chrétienne a le souci de faire la paix non en marchand mais en roi". La victoire, chèrement acquise par les armées françaises, ne rapportait rien à la France alors que Frédéric II de Prusse tirait son épingle du jeu. Le mécontentement du peuple a laissé des expressions populaires : "bête comme la paix" et "travailler pour le roi de Prusse". Par ailleurs, les nombreuses maîtresses du Roi lui donnent une image de débauché, ce qui déplaît beaucoup au peuple qui estime (à juste titre) que le souverain devrait être un modèle de bon chrétien.
Les historiens sont partagés sur ce qu'il faut penser du règne de Louis XV. Certains estiment qu'il a été calamiteux, d'autres, au contraire, voient en lui un grand roi. Pierre Gaxotte, le grand historien qui a publié en 1933 "Le siècle de Louis XV", écrit de lui : "Il a jeté les fondements d'une France nouvelle. Il a été bon, juste, pacifique, tolérant, ménager du sang de ses sujets."
Louis XV en 1773, portrait par François Drouais
16 septembre 1824 : Mort de Louis XVIII
Il y a deux-cents ans mourait le roi Louis XVIII, dernier roi de France mort en exercice. Il fut le seul roi de France à avoir bénéficié d'une restauration de la royauté (à deux reprises).
Le Comte de Provence
Louis Stanislas Xavier de France est né sous le règne de son grand-père Louis XV, le 17 novembre 1755, à Versailles, et a été titré Comte de Provence. Baptisé le 18 octobre 1761, il eut pour parrain son arrière-grand-père Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine, et pour marraine Madame Victoire, sa tante, fille de Louis XV. Son père, le dauphin Louis, décède la 20 décembre 1765. Puis sa mère, Marie-Josèphe de Saxe, décède à son tour le 13 mars 1767.
Le comte de Provence n'était pas destiné à régner. Il était le quatrième fils du dauphin, mais les deux premiers étaient morts jeunes (Louis, duc de Bourgogne, est décédé à 9 ans et Xavier, duc d'Aquitaine, est décédé à 5 mois). Le troisième fils du couple delphinal était Louis Auguste, duc de Berry, qui succède à son père comme dauphin de France, puis devient le roi Louis XVI à la mort de son grand-père.
Le 14 mai 1771, à Versailles, le comte de Provence se marie à Marie-Joséphine de Savoie, fille du futur Victor-Emmanuel III, roi de Sardaigne, duc de Savoie, prince de Piémont. Le couple n'aura malheureusement pas d'enfants.
Le jeune comte de Provence en 1763, peinture par Maurice Quentin de La Tour
Monsieur, comte de Provence, frère du Roi Louis XVI, avant la Révolution
Un exil itinérant
Lors de la révolution, le comte de Provence émigre le 20 juin 1791 vers les Pays-Bas autrichiens (Belgique) puis s'installe à Coblence, chez son oncle maternel Clément Wenceslas de Saxe, Archevêque et Prince-Electeur de Trèves. Il aura de nombreuses résidences d'exil, étant accueilli puis expulsé au gré des événements qui secouent l'Europe. En décembre 1792, le roi de Prusse l'héberge, avec son frère le comte d'Artois, à Hamm, en Westphalie. C'est là qu'il se proclame, le 28 janvier 1793, régent de France, venant d'apprendre la mort de son frère Louis XVI. Puis le comte de Provence se rend à Turin (à la cour de son beau-père le roi de Sardaigne). En novembre 1793, le comte de Provence s'établit à Vérone (Vénétie).
Le palais de Jelgava (anciennement Mitau ou Mittau), résidence d'exil de la famille royale hébergée par le tsar, était l'ancienne résidence des ducs de Courlande. Il se situe actuellement en Lettonie.
Devenu le roi Louis XVIII à la mort de son neveu Louis XVII (8 juin 1795), il est expulsé le 21 avril 1796 par le gouvernement de la république de Venise sur demande du Directoire. Il rejoint alors l'armée de Condé à Riegel (Bade), puis s'établit à Blankenburg (Brunswick). Le Tsar de Russie Paul Ier lui offre l'asile au palais des anciens ducs de Courlande à Mittau (actuellement Jelgava, en Lettonie) où il arrive le 29 mars 1798. Louis XVIII est prié de quitter Mittau en janvier 1801 et s'installe à Varsovie, dans l'ancien palais royal, possession du roi de Prusse. Sur demande de Napoléon, le roi de Prusse expulse (1804) la famille royale qui part pour Kalmar (Suède), puis le nouveau tsar Alexandre Ier accepte de la loger de nouveau au palais de Mittau (1804-1807).
Devenu allié de Napoléon, le tsar demande à ses hôtes de quitter le pays. Louis XVIII trouve refuge au Royaume-Uni, où réside son frère le comte d'Artois, mais n'est pas autorisé à se servir de son titre de roi : il porte alors le titre de Comte de L'Isle (il était en effet comte de L'Isle-Jourdain, en Armagnac, depuis 1775). Il réside à Gosfield Hall (Essex) de fin 1807 à 1809, puis à Hartwell House (comté de Buckingham) où l'épouse de Louis XVIII, Marie-Joséphine de Savoie, décède le 13 novembre 1810.
Une entente impossible avec Napoléon Bonaparte
Après le coup d'Etat du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), Louis XVIII tente de négocier avec le nouvel homme fort de la république, Napoléon Bonaparte, Premier Consul, en vue du rétablissement de la royauté en France. Mais le Premier Consul écrit ainsi au roi : " Vous ne devez plus souhaiter votre retour en France. Il vous faudrait marcher sur 100 000 cadavres." (7 septembre 1800). L'attentat de la rue Nicaise (24 décembre 1800) fomenté par des royalistes contre Bonaparte rend impossible toute négociation. L'arrestation puis l'exécution du duc d'Enghien (21 mars 1804), prince du sang, cousin du roi, marque la rupture définitive entre les deux hommes. Quand Bonaparte prend le titre d'Empereur des Français (18 mai 1804), Louis XVIII adresse aux souverains européens une protestation :
Marie-Joséphine de Savoie (1753 † 1810), comtesse de Provence puis, de droit, reine de France
PROTESTATION ADRESSÉE AUX SOUVERAINS, ET DATÉE DE VARSOVIE , LE 5 JUIN 1804.
En prenant le titre d'empereur, en voulant le rendre héréditaire dans sa famille, Buonaparte vient de mettre le sceau à son usurpation. Ce nouvel acte d'une révolution où tout dès l'origine a été nul, ne peut sans doute infirmer mes droits ; mais, comptable de ma conduite à tous les souverains, dont les droits ne sont pas moins lésés que les miens, et dont les trônes sont tous ébranlés par les principes que le sénat de Paris a osé mettre en avant ; comptable à la France, à ma famille, à mon propre honneur, je croirais trahir la cause commune en gardant le silence en cette occasion. Je déclare donc, en présence de tous les souverains, que, loin de reconnaître le titre impérial que Buonaparte vient de se faire déférer par un corps qui n'a pas même d'existence légale, je proteste contre ce titre et contre les actes subséquens auxquels il pourrait donner lieu.
Louis.
La Première Restauration
Après la défaite militaire de Napoléon les coalisés se mettent d'accord pour appeler Louis XVIII à régner sur la France. Le roi débarque en France à Calais le 24 avril 1814 et fait son entrée à Paris le 3 mai. Il n'entend pas rétablir l'Ancien Régime mais une royauté plus libérale s'appuyant sur une constitution. Le projet de constitution rédigé par le Sénat le 6 avril 1814 ne convient pas au roi qui, dans sa déclaration de Saint-Ouen du 2 mai, pose les principes qu'il veut voir figurer. Il nomme une commission de 22 membres (le Chancelier Dambray, 3 commissaires royaux, 9 sénateurs et 9 membres du Corps législatif) chargée de rédiger un texte constitutionnel. Le projet qui est proposé au roi est approuvé le 26 mai et adopté le 4 juin. Ce n'est pas une constitution mais une charte constitutionnelle ; elle est octroyée par le Roi et n'est pas soumise à l'approbation du peuple. Cette charte établit, non pas une monarchie constitutionnelle mais une monarchie limitée où le roi reste le personnage central. Ce nouveau régime ne constitue pas une rupture complète avec les régimes qui ont précédé. Ainsi le système bicaméral est maintenu, en remplaçant le Sénat par la Chambre des Pairs, et le Corps législatif par la Chambre des Députés des départements. Les Lois fondamentales du Royaume qui règlent la succession au trône sont maintenues (la Charte ne définit pas la succession au trône). Par ailleurs, le découpage de la France en départements est maintenu, ainsi que beaucoup d'institutions de l'Empire. Même la noblesse d'Empire est reconnue, aux côtés de la noblesse d'Ancien Régime. Le Roi désire avant tout réconcilier les Français quelles que furent leurs positions vis-à-vis de la royauté, de la république et de l'empire.
Les nouvelles institutions n'ont pas le temps de se mettre en place car la Première Restauration dure peu de temps : Napoléon quitte l'île d'Elbe et débarque en France le 1er mars 1815. L'empereur remet rapidement sur pied une armée et bénéficie du ralliement de nombreux militaires et fonctionnaires. La progression rapide de la nouvelle armée impériale pousse le Roi et sa cour à fuir Paris. Louis XVIII se réfugie à Gand.
La Seconde Restauration
Après la défaite de Waterloo (18 juin 1815), Napoléon est définitivement écarté et Louis XVIII est appelé à remonter sur le trône (le Roi fait son entrée à Paris le 8 juillet 1815). Il s'y maintiendra jusqu'à sa mort.
Louis XVIII a toujours respecté la Charte et a tenu compte du résultat des élections législatives pour nommer un nouveau gouvernement. Le premier gouvernement est dirigé par Talleyrand (9 juillet-26 septembre 1815). Puis la présidence du Conseil est confiée au duc de Richelieu (descendant d'un neveu du Cardinal de Richelieu), qui reste en fonction jusqu'au 29 décembre 1818. Le général Dessolles (ancien serviteur de la république et de l'Empire) lui succède jusqu'au 20 novembre 1819. Il est remplacé par Elie Decazes, favori de Louis XVIII. Sous le gouvernement libéral de ce dernier, a lieu l'assassinat du Duc de Berry, neveu du Roi. Ce terrible événement provoque la chute du gouvernement Decazes (20 février 1820). Le duc de Richelieu est alors rappelé et sera président du Conseil jusqu'au 14 décembre 1821. Le dernier président du Conseil du règne de Louis XVIII sera le comte Joseph de Villèle, chef du parti ultra-royaliste.
A la fin de son règne, le roi donna à son neveu le duc d'Angoulême le commandement d'un corps expéditionnaire pour rendre la liberté à son cousin Ferdinand VII, roi d'Espagne, captif d'un gouvernement d'extrême-gauche que l'Europe s'inquiétait de voir instaurer une république. La campagne d'Espagne (avril-septembre 1823) se termina par la victoire française (notamment grâce à la bataille du Trocadéro, 31 août 1823) qui permit à Ferdinand VII de reprendre le contrôle de son royaume.
Louis XVIII en habit de sacre
Louis XVIII, en raison de son mauvais état de santé, n'a jamais été sacré
Char funèbre de Louis XVIII
Musée des Carosses, Versailles
La mort du Roi
Louis XVIII n'a jamais eu une très bonne santé. Obèse depuis longtemps, il devient goutteux et diabétique. A la fin de sa vie, il lui est difficile de se déplacer, même avec une canne, et a recours au fauteuil roulant. Lui-même, par dérision, se qualifie de "Roi fauteuil". D'ailleurs, cette mauvaise santé l'a empêché de se faire sacrer. Il finit par être atteint d'artériosclérose et de gangrène. A bout de forces, il rend l'âme au Palais des Tuileries, le 16 septembre 1824 à quatre heures du matin. Le 25 octobre suivant, il est inhumé en la basilique de Saint-Denis.
Louis XVIII et son épouse n'ont pas eu d'enfants. C'est donc le comte d'Artois, frère du roi, qui lui succède sous le nom de Charles X. La famille royale est alors très fragile : le fils aîné de Charles X, qui devient le dernier dauphin de France, n'a pas d'enfants. Le deuxième fils du nouveau roi, le duc de Berry, a été assassiné en 1820, sans héritier. Heureusement, le duc de Bordeaux, un enfant posthume du duc de Berry, est né et a donné l'espoir d'une continuité de la lignée royale. Mais le malheur fera que ce dernier descendant mâle légitime de Louis XV, connu sous le titre de Comte de Chambord, n'aura pas d'enfants.